Achillée millefeuille, ortie, plantain, ail des ours, trèfle rouge, cardamine, violette,... La cueillette des plantes sauvages s'invite à l'équinoxe de printemps et avec elle germe la question suivante :
Comment cueillir "responsable" ?
Voici donc le petit manifeste d'une cueillette responsable, ou un début de chemin vers la consommation éco-responsable des plantes sauvages.
Règle n°1 : Par Identifier la plante, tu commençeras
Notre flore française recense 10 000 plantes selon l'INPN, soit 6 000 espèces de plantes supérieures et 4 000 plantes indigènes naturalisées. Ainsi, la maitrise de quelques fondamentaux permettront de les distinguer les unes des autres, tel que l'époque de floraison, les dimensions, les parties de la plante, le type de feuille, la disposition des fleurs et leurs inflorescences.
Il existe de nombreuses flores portatives de France (références dans la biblio) permettant d'identifier les plantes les plus courantes, agrémentées de figures pour trouver facilement les noms des plantes sans mots techniques, à l'instar de certaines applications mobiles telles que PlanTnet, Seek ou PictureThis accessibles aux novices ainsi que les sites internet spécialisés de référencement taxonomique. Solliciter plusieurs sources différentes, afin de croiser les informations et ainsi parvenir à une identification sûre est une très bonne habitude à prendre.
Pour identifier une plante, tu utiliseras tes sens et en premier lieu celui de la vue. Il ne faut pas non plus hésiter à demander de l'aide à une personne expérimentée.
En cas de doute, tu peux photographier la plante complète. Cueillir la plante en vue de l'identifier n'est jamais une bonne idée.
Dans tous les cas, abstiens-toi de consommer une plante dont l'identification n'est pas certaine à 100% car les risques d'intoxications sont réels, pouvant aller jusqu'à la mort.
Sans basculer dans le scénario catastrophe imaginé par le réalisateur Sean Peen dans le film Into the Wild, d'autres plantes, même non-ingérées, peuvent avoir de fâcheuses incidences par simple contact cutané. C'est notamment le cas du Millepertuis (Hypericum perforatum) chez les Clusiacées qui, cueilli à la main par une journée ensoleillée, peut causer des brûlures cutanées du fait de ses composants naturels photo-sensibilisants.
Le secret pour éviter une mauvaise rencontre ? Prendre son temps, quitte à y revenir plus tard.
Règles n°2 : La règlementation, tu respecteras
Maintenant que nous sommes sûres de la plante à cueillir, nous pouvons nous intéresser à son environnement immédiat : est-ce une plante pullulante ou est-elle rare ? Quel est son rythme de croissance ? Est-elle endémique ou exotique ? Est-elle protégée par la loi ?
Par exemple, l'arnica des montagnes (Arnica montana) est une petite fleure jaune qui pousse à l'état sauvage sur le Mont Cézallier en Auvergne, de même que sur les massifs vosgien et alpin. Sa cueillette est très règlementée afin de protéger cette flore, fragile et précaire.
Tu trouveras la liste des espèces végétales protégées sur l'ensemble du territoire français métropolitain sur le site officiel de l'INPN : https://inpn.mnhn.fr/reglementation/protection/listeEspecesParArrete/731
En général, la cueillette des plantes sauvages est interdite dans les parcs nationaux et les lieux de conservation.
Pour les lieux privés, on demandera l'avis du propriétaire. Sinon, pas touche !
Règle N°3 : Le lieu adéquat, tu choisiras
Tu éviteras les lieux les plus pollués tels qu'aux abords des routes, les espaces très passants ou à proximité d'un site industriel. Tu leur préféreras les petits sentiers au cœur des forêts ainsi qu'en dehors de sentier battus et les friches sauvages.
Lorsque cela est possible, sélectionne les parties les moins accessibles aux animaux qui pourraient les côtoyer, à plus de 50 cm du sol.
Règle n°4 : au CYCLE DE LA VIE, tu t'intéresseras
Lors de la cueillette, il ne s'agit pas d'arracher la plante, mais de prélever la partie qui t'intéresse sans abimer le reste. Le geste doit être sûre. Les cueillettes les plus communes peuvent se faire à la main.
Ensuite, on ne cueille pas autant de racines que de fleurs, de fruits ou de feuilles !
- La cueillette de la racine doit être succincte car elle tue la plante. Cette dernière doit se trouver en abondance.
- La cueillette de la fleur ou du fruit peut être abondante. Il faut garder à l'esprit que nous soustrayons potentiellement une partie de l'alimentation de la faune locale (abeilles, oiseaux, mammifères,...). Comme le rappelle le botaniste Christophe de Hody (références dans la biblio) une règle de trois, simple mais efficace consiste à réserver 1/3 pour la plante (sa capacité de régénération), 1/3 pour les animaux et 1/3 pour nous !
- La cueillette des feuilles et des pousses doit se faire avec parcimonie car c'est principalement grâce aux feuilles que la plante réalise sa photosynthèse. Autrement, elle meure. Pour sa survie, on se gardera donc par exemple de prélever tous les jeunes bourgeons d'un même pin...
Dans le même registre, ne sortons pas nos gros sabots pour écraser la flore alentour. Ce n'est pas parce qu'une plante est inconnue au bataillon, est dépourvu de propriété thérapeutique ou gustative qu'il faut lui marcher dessus.
En règle générale, la cueillette à toujours une incidence sur la biodiversité et qu'en tant qu'individu appartenant à cet écosystème (nous ne sommes pas seul.e.s !), nous devons considérer les besoins de la flore et de la faune locale.
Ainsi, le passage de cueilleur doit se faire discret et à peine remarqué.
Règle n°5 : le gaspillage, tu eviteras
De même que cueillir une plante dont l'identification n'est pas établie est à proscrire, il convient de prélever la juste quantité de ce dont tu as réellement besoin. Imaginons ainsi que la forêt regorge d'ail des ours. Tu peux réfléchir en amont à l'utilisation que tu feras de la plante et du volume nécessaire à ton échelle afin d'éviter le gaspillage.
Règle n°6 : LE TRANSPORT, tu soigneras
Une fois la plante retirée à la terre, elle est vulnérable et son temps lui est compté. Il faut donc éviter de trop trainer. Afin de préserver sa fraicheur et éviter de l'abimer, tu peux la conditionner dans un sac en toile à l'abri des rayons directs du soleil.
Règle n°7 : consommer en conscience, tu ne tarderas pas
Une fois cueilli, consomme la plante rapidement afin de profiter de ses bienfaits. Il est recommandé de la laver en la rinçant sous un filet d'eau tiède à froide. Tu peux la faire sécher, suspendu à un fil de lin à l'abri des rayons directs du soleil dans un lieu tempéré. Elle te servira alors à composer tes infusions, tes décoctions ou tes condiments pour la cuisine, à réaliser tes macérats solaires et tes poudres de plantes.
Tu peux également la consommer crue ou cuite en salade, en pesto, en houmous, en tarte, en sorbet, en dessert ou simplement mélangée à tes légumes. Tu peux aussi réaliser une infusion de plante fraiche, c'est la façon la plus efficace de profiter de ses bienfaits.
Règle n°8 : TA GRATITUDE, tu exprimeras
Certes, le mot "gratitude", très instagrammable, est bien souvent galvaudé. Pour autant, quel terme définit mieux le sentiment de reconnaissance qui émane des bienfaits que la nature offre, gratuitement et sans retour ?
A cela, nous lui devons bien de respecter les 7 premières règles.
Bonne cueillette à toutes et tous les cueilleur.se.s en herbe !
BIBLIOGRAPHIE
- Jean-Marc Tisson, Bruno de Foucault et François Guiol, Flora Gallica : Flore de France, éd. Société botanique de France et Biotope, 2014
- Gaston Bonnier, George de Layens, Flore complète portative de la France de la Suisse et de la Belgique, éd. Belin, 1986.
- www.inpn.mnhn.fr, site de l'Inventaire National du patrimoine naturel
- www.fcbn.fr, portail des Conservatoires botaniques nationaux
- www.tela-botanica.org, réseau associatif de botanistes français
- www.lechemindelanature.com, Règles et précautions pour la cueillette des plantes sauvages animé par Christophe de Hody, herbaliste et botaniste de terrain, https://youtu.be/pyFNtLnNgmI
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