Saviez-vous que les arbres sont des êtres sociaux ? "Ils peuvent compter, apprendre et mémoriser, se comporter en infirmiers pour les voisins malades. Ils avertissent d'un danger en envoyant des signaux à travers un réseau de champignons, appelé ironiquement Bois Wide Web". Si vous souhaitez en savoir plus, je vous invite à lire le livre de vulgarisation scientifique intitulé "La vie secrète des arbres" de l'ingénieur forestier et écrivain Peter Wohlleben et traduit de l'allemand par Corinne Tresca, paru aux éditions Les Arènes en 2015.
Pourquoi ce parallélisme avec l'action collective et le changement climatique ? Parce qu'aujourd'hui plus que jamais, les citoyens s'organisent, soutiennent et réseautent, comme les arbres, pour défendre les biens communs naturels. Dans le Droit romain, un bien commun (res communis) est une chose a priori inappropriable par essence, tels que l'air, l'eau courante, la mer et le rivage de la mer.
Si l’action individuelle en matière environnementale est primordiale, elle ne saurait toutefois se suffire à elle-même et doit à mon sens se doubler d’actions dites « collectives ». L'action individuelle, c'est la somme des petits gestes entrepris individuellement pour préserver l'environnement (composter ses bio-déchets, consommer en vrac, en recyclerie ou réduire ses achats neufs, par exemple), comme l'illustre la métaphore du colibri. L'action collective, quant à elle, désigne les personnes qui décident de se réunir afin d'agir ensemble et défendre des intérêts communs (comme par exemple la préservation de la biodiversité, la lutte contre le changement climatique ou le droit à un environnement sain).
Aujourd'hui même, quatre associations - Notre affaire à tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France - portent une requête devant le juge administratif parisien afin que le gouvernement prenne "toutes les mesures permettant d'atteindre les objectifs de la France en matière de réduction des gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables et d'augmentation de l'efficacité énergétique et d'assurer la protection de la vie et de la santé des citoyens contre les risques liés au changement climatique".
Elles mettent ainsi en exergue la carence fautive de l’État qui ne respecte pas ses engagements pris pour le climat (qu'il s'agisse de la loi française ou de textes européens et internationaux ratifiés par la France).
Pourquoi c’est relativement nouveau ? On reproche souvent au droit de l'environnement d'être "Soft Law", c'est-à-dire fait de textes non-contraignants, pour lesquels le non-respect des engagements pris par l'Etat n'est pas punitif : ce dernier n'a alors aucun compte à rendre.
Or, les choses changent. Le 19 novembre dernier (1), le Conseil d'Etat (qui est la plus haute juridiction administrative) a affirmé le caractère contraignant des objectifs climatiques inscrits dans les textes juridiques (en citant notamment des directives et des règlements européens ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 et son protocole signé à Kyoto le 11 décembre 1997 ou encore l'accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015).
Cette décision confirme la jurisprudence inédite de la Cour Suprême néerlandaise qui pose en décembre 2019 l’obligation faite à l’État de réduire ses émissions de 25% par rapport aux niveaux de 1990. La décision bénéficie alors d’un retentissement mondial, puisqu’"elle consacre pour la première fois une obligation pour un État de se conformer aux objectifs mondiaux de réduction des gaz à effet de serre. Elle marque également un véritable tournant dans l’utilisation militante du droit en créant une nouvelle voie de revendication pour la société civile"(2).
Espérons donc que le tribunal administratif français, qui a 15 jours pour se prononcer suite à l'audience de ce jour, poursuive les progrès jurisprudentiels en matière de contentieux climatique.
Le levier juridique deviendrait alors un véritable mécanisme pour mettre les instances étatiques face à leurs responsabilités climatiques, ce qui donnerait lieu à des actions coercives. En effet, le tribunal administratif pourrait non-seulement reconnaitre la carence fautive étatique, mais également ordonner des mesures visant à lutter effectivement contre le réchauffement climatique.
Voici donc comment la mobilisation citoyenne et donc l'action collective, à travers des organisations associatives, peut forcer l'Etat à agir pour l'environnement.
La société civile s'organise pour défendre un modèle à contre-courant du modèle dominant, basé sur l'utilisation irrationnelle des ressources naturelles. Plus nous sommes nombreux à nous mobiliser et plus nous nous donnons les moyens de voir des changements positifs émergés dans notre société.
BIBLIOGRAPHIE
- Pour comprendre les actions collectives pour le climat de Notre affaire à tous : https://notreaffaireatous.org/
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(1) Décision du Conseil d'Etat 19 novembre 2020 : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000042543665
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(2) Communiqué de la cour suprême des Pays-Bas sur la décision historique "Urgenda c. Etat des Pays-Bas" du 20 décembre 2029 : https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-actualite.fr/files/resources/2020/01/communique_cour_supreme_des_pays_bas.pdf
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